Article paru dans le n° 123 de la revue 3ème millénaire du mois de mars 2017
Lorsque l’attention est rattachée, intimement liée au sentiment et à l’idée d’être une personne, un individu séparé du reste du monde, elle est ressentie comme étant personnelle et faisant référence à un mouvement. « Je » porte attention à, « je » dirige mon attention vers.
Il y a le sujet de la perception « moi », l’orientation vers et l’objet de perception.
Ainsi je peux poser mon attention sur ce que je pense être à l’extérieur de moi : un objet, un paysage, un évènement.
Je peux aussi poser mon attention sur ce que je pense être à l’intérieur de moi, à l’intérieur du corps : pensées, sensations.
Dans les deux cas, l’attention est un « faire » apparent, elle est active en quelque sorte puisqu’elle pointe et s’étend jusqu’à l’objet de perception pour venir s’y fixer.
Si vous observez un peu plus précisément ce qui se produit, elle semble s’étirer jusqu’à découper le champ perceptif en différentes formes, visuelles ou non, que l’on va ainsi nommer objets ou sensations particulières. Elle opère ainsi un « zoomage », une vue rapprochée permettant ainsi d’isoler une partie du champ perceptif, une partie du tableau.
Maintenant je vous invite à continuer l’observation ou plutôt à ne plus rien faire. Ne plus rien faire ne signifie pas arrêter de faire quelque chose ni même essayer. Il s’agit ici plutôt de laisser être, de permettre à tout ce qui se présente d’être tel qu’il est sans y toucher et sans tenter de s’y agripper ou de vouloir le faire disparaître. L’attention n’est alors plus portée sur aucun élément du décor à l’extérieur de nous, ni en nous. L’attention n’est plus non plus tournée sur « nous », autrement dit sur la pensée que nous avons de nous, ni même l’image que nous avons de nous. Il n’y a ainsi plus personne pour s’approprier quoi que ce soit.
L’attention n’est plus orientée, aucun effort n’est produit. Il s’agit simplement d’une détente du Regard en Soi, sans plus personne pour le dire ou en avoir conscience. Reste ce qui se produit, ce qui est.
L’attention devient écoute, regard, réceptivité totale, un accueil inconditionnel de tout ce qui apparaît. Il est alors vu, perçu, par personne, que les objets, sensations et perceptions apparaissent, émergent en elle.
On ne peut bien sûr rien dire de cette attention car inévitablement, dire serait s’en éloigner. Elle est en réalité là avant toute parole et pensée.
L’attention entre alors en intimité fine avec tout ce qui est perçu pour ne former qu’une seule et même réalité. Elle n’est plus objectivable. On ne peut alors plus parler non plus d’attention. Il n’y a plus aucune référence à la mémoire. Passé, futur et même présent en tant que moment propre et délimité n’ont pas de réalité.
Il n’y a plus que cet Instant, sans temps.
Une attention sans plus aucun regard, personnel ou impersonnel.
Un champ d’accueil illimité sans plus personne pour accueillir.
Un espace de clarté, vide et plein de tout ce qui apparaît, sans discrimination aucune.
L’Absolu, Un, Amour en Soi.
Ce que nous Sommes.
Gratitude.